Tribune : Les activités extra-scolaires sont-elles nécessaires ? Retour aux sources de l’engagement associatif

Les IEP et Sciences Po obéissent à une certaine formule attractive : un enseignement en grande école, apportés par de nombreux professionnels, enseignants et enseignants chercheurs, et la possibilité d’un investissement extra-scolaire en dehors du cadre disciplinaire. La question que j’aimerais me poser aujourd’hui n’est pas de savoir si ces activités extra-disciplinaires sont véritablement centrales pour l'étudiant à Sciences Po, car il est évident qu’elles le sont, mais si elles sont centrales pour l’attraction des IEP et de Sciences Po également.

Carla Brulet

2/3/20223 min read

En majeur partie, le canal à travers lequel passe ces activités extra-scolaires sont, pour l’instant, les associations liées à l’école. Communautés formées par la réunion d’étudiants ayant des intérêts extra-scolaires communs, allant de la culture européenne jusqu’à la danse en passant par l’art oratoire, les associations sont co-existantes à toutes les universités et écoles en France. Il est inutile de mentionner que malgré le temps-libre disponible, elles sont beaucoup moins présentes dans les universités classiques contrairement aux grandes écoles (IEP, Sciences Po, école d’ingénieur, …).

Il est intéressant de comparer ce manque d’activité qui peut être dû institutionnellement à l’inégalité de financements proposés, à l’inégalité d’offre et de promotion de la part des écoles, mais aussi et je pense surtout à l’inégal investissement personnel de l’étudiant dû à des variables socio-économiques et culturelles propres à chaque écoles. En effet, les étudiants de Sciences Po proviennent généralement de familles aux propriétés culturelles et financières plus élevées, ils se sont probablement pour la quasi-majorité déjà investis dans des activités extra-scolaires avant leur entrée à Sciences Po ou passent par des ascenseurs culturels les incitants à s’investir davantage à l’extérieur de l’école. Surtout, l’investissement extra-scolaire est un must demandé par la plupart des grandes écoles qui prennent sur dossier pour montrer hypothétiquement la capacité d’investissement du candidat. Par conséquent, qualifier de “nécessaire” le travail extra-disciplinaire à Sciences Po dans le sens opposé à contingent n’est pas absurde, puisque le profil-type et valorisé de l’étudiant  de ces écoles repose sur cet engagement extra-scolaire. Ainsi, réduire ou décrédibiliser le travail associatif, c’est aussi réduire cette exigence d’investissement demandé aux candidats aux grandes écoles.

Un investissement qui ne porte pas seulement sur les matières mais aussi dans des champs divers n’étant pas inscrits pour des raisons structurelles dans les agendas disciplinaires des grandes écoles. L’apprentissage de l’art oratoire ou de la rhétorique n’est pas inscrit dans cet agenda, du moins durant la licence, l’apprentissage de l’appropriation de son corps et la canalisation des émotions à travers l’art et le sport non plus, l’apprentissage pratique de la tenue d’une conférence, d’un budget, d’un esprit d’équipe, d’une émission de radio ou de clés permettant de s’améliorer dans la communication, dans l’écriture d’articles, non plus. Ces apprentissages sont-ils pour autant inutiles, non valorisés pour un entretien ? La mention de la participation à une association n’est pas valorisée par les concours suivant un master ou pour les recruteurs en entreprises ? Peut-être. 

Maintenant reste à savoir ce que ces expériences apportent personnellement à chacun. Il est évident que la fierté d’appartenir à un IEP repose dans son enveloppe d’enseignement riche et pluridisciplinaire, mais elle s’incarne aussi dans la possibilité pour chacun de se développer en poursuivant ou en découvrant des intérêts n’étant pas liés directement au fait d’étudier. Des activités qui sortent d’un enseignement unilatéral entre étudiant et professeur, s’incarnent dans une co-construction entre les étudiants du même ou de différents IEP, et parfois avec des institutions, entreprises, associations et établissements prestigieux tels que le Parlement européen, le CUEJ, la FFDE, théâtres et opéras, structures sportives. En réalité l’activité associative ne concerne pas seulement la volonté de « s’échapper » grossièrement des cours, mais surtout de construire un parcours personnel autour de ses pairs, décloisonnant l’étudiant, lui ouvrant les possibilités d’interactions infinies qu’offre le prestige d’être à Sciences Po. Faut-il couper ces liens, les contraindre ? L’homme reste un animal social, qui s’est construit de cette manière, l’activité extra-disciplinaire permet une construction de soi, de compétences qui ne sont pas stimulées en cours et qui feront toutes les différences entre des dossiers reposant simplement sur des notes. En effet, la compétitivité des écoles en termes d’enseignements est certaine, donc est-ce un pari raisonnable de vouloir faire reposer la formation des élèves uniquement sur l’enseignement ? N’est-il pas de manière semblable intéressant d’évaluer l’étudiant sur sa capacité à innover, à investir dans des projets, à tirer les autres vers le haut ? La question n’est pas tant celle de l’accompagnement par les IEP de cet engagement extra-disciplinaire mais plutôt celle de la considération et/ou de la valorisation de celui-ci.