Les Bibliothèques idéales selon deux membres du collectif Arc En Ci.elles

Elise Roy

9/13/20227 min read

Les Bibliothèques Idéales est l'évènement culturel strasbourgeois à ne pas manquer. Sur trois week-ends, et dans différents lieux de la ville, se déroulent des rencontres d'auteurs, des lectures musicales mais aussi des conférences sur divers sujets. Lors des journées du 10 et 11 septembre ce sont notamment les thèmes de la place de la femme, du genre voire de la transidentité qui ont été abordés. Noé Bronner, co-président de l’association Arc En Ci.elles et Margo Lagadu qui en est la secrétaire y étaient. Assis dans la cours de Sciences PO, tout deux m’ont livré leur expérience des Bibliothèques Idéales.

Noé et Margo sont deux jeunes habitués de l'évènement. Ils y sont notamment allés en janvier 2022 pour Edwy Plenel ainsi que Rokhhaya Diallo et Grace Ly qui tiennent le podcast Kiff ta race. Comment ont-ils entendu parler des Bibliothèques Idéales ? Tous deux nous répondent.

Noé : je ne viens pas de Strasbourg donc en arrivant j’avais fait de nombreuses recherches sur ce qu’il y avait au niveau culturel dans la ville. Honnêtement je ne me souviens plus précisément, ça devait être en feuilletant un programme.

Cette année comme nous le raconte Noé, ancien étudiant en Histoire, c’est le nom de Michelle Perrot qui l’a interpellé.

Noé : Concernant la conférence « Femmes Puissantes » je ne dirais pas que c’est le titre de la conférence qui m’a attiré mais bel et bien la présence de Michelle Perrot que je connaissais de nom. Concernant mon rapport à la littérature, il est vrai que je lis beaucoup de choses relatives aux questions de genre, de l’histoire voire de l’urbanisme.

Margo avoue que contrairement à Noé elle ne connaissait aucune des deux femmes présentes lors de la conférence. Par curiosité, elle s’est rendue à la Cité de la musique et de la danse afin d’écouter ce que Michelle Perrot et Laurie Laufer avaient à raconter. Si selon elle cette rencontre est une réussite c’est qu’elle rend compte d’une pluridisciplinarité. Les questions ont été abordées non seulement par l’approche historique mais aussi sous un angle psychanalytique novateur. Noé quant à lui avoue qu’il avait tout de même des « doutes » sur ce projet de faire dialoguer une historienne et une psychologue. Finalement, il a trouvé cela très perspicace.

Le point fort de cette conférence selon Noé et Margo : le fait que les deux femmes aient abordé Michel Foucault durant une bonne dizaine de minutes.

Dorénavant je souhaiterais revenir sur différents sujets abordés en conférence tels que le genre, la transidentité voire le militantisme. Bien que Michelle Perrot se soit emparée de la question du militantisme, il s'agit principalement des mots d’Aida N’DIAYE (philosophe et auteure de Qu’est-ce qui fait mon genre) qui m’ont interpellé. Selon elle « il y a une profonde différence entre l’engagement et le militantisme ». Avez-vous une opinion particulière sur la question ? Si oui, vous placeriez-vous plutôt comme militant.e ou engagé.e ?

Noé : Je me considère engagé par ma simple identité, le fait d’être homosexuel. De ce fait je pense que l’engagement je l’ai toujours eu. Le militantisme c’est différent, cela dépasse la simple introspection. Il se construit par nos expériences matérielles, les actions collectives. Je dirais donc que je suis militant car je suis au sein d’une association et que je me mobilise depuis environ deux ans. Mon orientation sexuelle fait de moi quelqu'un d'engagé. 

Margo : Quant à moi je te rejoins. Mon orientation sexuelle fait indépendamment de ma volonté une personne engagée. Le fait que je sois une femme aussi d’ailleurs. Mon engagement associatif me rend aussi militante. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé les propos de Laury Laufer à ce sujet. Elle a mis en avant que le simple fait de vouloir écrire sur la place des femmes était un engagement. Autrement dit, la production de savoir n’est pas neutre. D’autant plus sur les questions de genre telles que les Queer studies.

À la suite de cette question Margo et Noé soulignent qu’affirmer la subjectivité de son travail, notamment lorsqu’il traite de questions marginales ou délicates, s’apparente à un engagement frôlant le militantisme. Selon eux, une femme n’aurait pas à devoir se justifier d’effectuer des recherches, d’entrer dans les archives voire simplement de penser.

Je constate que cet évènement a fait émerger en vous des réflexions pointues. Justement, en vous rendant à de telles rencontres, y allez-vous avec des attentes particulières ou par pure curiosité intellectuelle ?

Margo : Par pure curiosité. Et honnêtement j’ai trouvé que le titre n’avait pas vraiment de lien avec le contenu de ce qui a été dit. J’aimais personnellement savoir que j’allais apprendre des choses tout en sortant du cadre académique.

Noé : Moi aussi je n’y suis pas allé avec beaucoup d’attentes. Le nom de Michelle Perrot m’a vraiment attiré tandis que le nom de la conférence, qui m’a rappelé le podcast de Léa Salamé, me faisait un peu peur. Pour finir je n’ai pas été déçu, j’ai vraiment retrouvé une effervescence intellectuelle qui liait tout le monde dans la salle. Et puis voir Michelle Perrot de mes propres yeux, c’était absolument génial !

En effet, Noé comme Margo soulève un point essentiel qui fait la réussite des Bibliothèques Idéales : la proximité avec les auteurs. Après les rencontres, ils  viennent signer et échanger quelques mots avec les personnes qui le souhaitent. Margo soulève notamment que lors de sa venue en janvier elle a beaucoup apprécié pouvoir voir des personnes qu’elle écoute habituellement par l’intermédiaire de podcasts. Elle fait ici référence à Rokhhaya Diallo et Grace Lyu. Quoi qu’il en soit, cette accessibilité des auteurs est très largement appréciée.

Une des richesse de l'évènement est sa diversité mais fort est de constater que de nombreuses conférences lors de votre venue était sur les thèmes du genre, de l'indenté voire de la transidentité. Cela montre que la parole se libère et comme le disait l’une des autrices qu’une vague d’optimisme s’abat sur la question du genre. Avez-vous ressenti cet optimisme ? Et si oui, partagez-vous cet avis ?

Margo : Ce sont des événements qui font du bien. C’est agréable de sentir une ambiance, comme de soutien, dans la salle.

Noé : Je te suis. J'ai personnellement vécu ces conférences, notamment cette année, comme des moments où tu recharges tes batteries militantes. On se dit : « Ok. On est tous dans la salle on est plus ou moins tous d’accord sur cette question ». Réellement cela fait du bien, on se sent moins seul. Concernant l’idée générale des Bibliothèques idéales je trouve cela génial de se dire qu’on va réserver un des plus gros amphis de Strasbourg et qu’en accès libre on aura pendant une heure la possibilité de réfléchir sur un sujet. Tout cela en totale liberté. Je conseille d’ailleurs de venir en ayant déjà fait sa sélection avant au vue de la diversité et de l’abondance des rencontres.

Finalement, en tant qu' étudiants, d’autant plus dans une école comme Sciences PO, sauriez-vous me dire pourquoi vous recommanderiez aux jeunes de venir aux Bibliothèques idéales ? N’est-ce pas ce genre d’évènement qui nous permet d’enrichir notre répertoire culturel et réflectif ?

Margo : Totalement. Ce ne peut être que bénéfique et au pire si tu t’ennuies tu pars de la salle. Ici tout le monde vient volontairement, on ne nous impose pas l’écoute contrairement aux cours. On entend des personnes très intéressantes et pertinentes.

Noé : Nous deux nous avons une expérience très positive des Bibliothèques idéales car nous avons eu le réflexe de sélectionner au préalable les rencontres qui nous intéressaient. J’ai par exemple un très bon souvenir de ma rencontre l’année dernière avec Edwy Plenel que j’ai trouvé très émouvante. Il m’a ouvert à une nouvelle réflexion sur l’idée de République, ce que j’ai apprécié. Ce que j’aime justement aux Bibliothèques Idéales c’est que des thèmes que j’aurais délaissés comme celui de la psychanalyse ou de la République me sont rendus accessibles et m’ouvrent à de nouvelles réflexions. Donc oui, je ne peux que recommander les Bibliothèques Idéales

Retour en images sur la journée du samedi 11 septembre

Michelle Perrot en séance de dédicaces

Aida N'Diaye, Nora Bouazzouni et Mathilde Ramadier en conférence au sein de l'auditorium de la Cité de la Musique et de la danse.

Programme de la journée du samedi 11 septembre.