Flee, une épopée dangereuse vers la lumière

Critique du film "Flee" de Jonas Poher Rasmussen.

Elise ROY

12/13/20222 min read

Avec Flee, le cinéaste danois Jonas Poher Rasmussen nous immerge dans un douloureux mais lumineux récit de voyage migratoire. Amin -dont le nom a été changé - n’est pas uniquement l'archétype du réfugié de guerre, il est aussi un homme homosexuel qui constamment doit se battre, intérieurement, pour avancer. Son histoire est puissante, emplie d'événements qui nous marquent de façon indélébile. Je pense notamment à la scène où une migrante se fait violer par des soldats russes. La vivre à travers les yeux enfantins d’Amin, impuissant face à la situation, fut d’autant plus traumatisant. Ce film reflète une violence réelle vécue par des personnes dont le témoignage ne nous parvient que rarement. Amin justement se métamorphose en une sorte d’ambassadeur : il est un réfugié qui prend la parole de tous ceux qui ne le peuvent pas.

L’une des nombreuses forces de Flee est sa capacité à entrer en profondeur à la fois dans les enjeux migratoires mais aussi au sein de ceux portant sur la question de l’homosexualité. Avec comme support la vie tumultueuse d’Amin, Jonah Poher Rasmussen est parvenu à mettre en cause la vision que j’avais de la difficulté. Rien ne semble plus dur en effet que de se déraciner de sa famille, de ses origines, tout en mettant perpétuellement sa vie en péril. Pourtant Amin l’a fait avec une ténacité prodigieuse. Et c’est avec une humilité et une maturité qui me glace qu’il nous dit être un homme non pas impétueux mais chanceux. Jamais il ne fait mention de son courage et de son imprudence ! J’ai parfois eu envie de le secouer et de lui dire :” Amin, tu ne dois pas avoir honte !”. La honte. Présente tout le long du film, elle est ce qu’Amin utilise pour cacher ce passé qui l’a façonné. S’il se dévoile à travers Flee, il convient de garder en mémoire que le secret persiste puisque l’histoire est anonymisée.

Vous l’aurez compris, Flee est loin de m’avoir laissé indemne. Il est l’un de ces rares chefs-d'œuvre qui laisse des marques profondes tant il interroge et brise les codes. Plus précisément, il m'a emmené dans une réflexion profonde sur mon rapport à l’immigration. Toutes ces personnes qui péjorativement sont appelés "clandestins" ont traversé des épreuves inimaginables afin d’atteindre un pays européen qui pour nous n’est qu’une simple normalité. Là où pour eux il est un oasis en plein désert.

Pour terminer je ne peux parler de Flee sans mentionner le choix merveilleux de substituer le réel au dessin. Cette prouesse artistique permet d’universaliser le récit d’Amin : sa cause est celle de tous ceux qui pour une raison qui leur est propre ont dû ou doivent partir. Je trouve que les dessins apportent une subtilité et une richesse non superficielles au documentaire. Au contraire, cette hybridité m’a ancré davantage cette épopée emplie d’optimisme malgré tout. Jonas Poher Rasmussen nous livre ici un récit intime qui mérite sincèrement que l’on parle de lui.

@allociné