Bella ciao, un symbole de liberté

Décryptage musical: Bella ciao

CULTURE

Eliott Ehrhardt

12/27/20223 min read

La mort suspecte de l’iranienne Masha Amini en Iran a laissé place à l’indignation et a provoqué de nombreuses protestations dans le pays.

A cette occasion, on a pu voir sur les réseaux sociaux un bon nombre de femmes entonner « Bella Ciao ». Cette chanson, aujourd’hui symbole de liberté et de la lutte contre l’oppression, a une histoire fascinante que je vous propose de découvrir. N’ayant jamais été enregistrée avant la Seconde Guerre mondiale, il est difficile de déterminer son origine précise. La première version, bien différente des paroles actuelles, est un hymne entonné par les « mondines ». Au début du XXème siècle, les mondines étaient des ouvrières agricoles qui travaillaient dans les rizières de la plaine de Pô. Ces femmes venaient de toutes l’Italie, généralement les régions les plus pauvres et travaillaient sur place pendant quarante jours. Cet emploi, loin du regard de leurs pères ou de leurs maris, était un moyen d’émancipation. Elles pouvaient aller danser ou faire la fête. Elles étaient libres et elles gagnaient de l’argent. Cependant, les conditions de travail étaient très rudes. Obligées de travailler dix heures par jours à retirer les mauvaises herbes, le dos plié toute la journée et les pieds nus dans l’eau. C’est pour dénoncer les difficultés de leur condition qu’elles se sont mises à chanter, un moyen de lutter en chanson. Pour la petite histoire, elles obtinrent gain de cause par une réduction du temps de travail. On peut percevoir cette version comme un hymne féministe porteur d’espoir, comme le montre les paroles de la fin « Un jour viendra que toutes autant que nous sommes/ Nous travaillerons en liberté ». Pour ce qui est des origines de la mélodie, le mystère persiste. Certains l’attribuent à une balade française, quand d’autres y voient une inspiration dans un chant yiddish.

« Bella ciao » prend finalement le sens et les paroles qu’on lui connait à partir de la Seconde guerre mondiale. A cette période,  sa popularité et son origine demeurent toutes deux troubles. On pense que la chanson a connu plusieurs versions, s’inspirant essentiellement du chant des mondines et de « Fior di Tomba ». Les premiers à l’avoir chanté sont les membres de la « Brigata Maiella », dans le nord de l’Italie. Il s’agit une formation militaire de la résistance italienne qui s’opposa au régime fasciste en place et à l’occupation militaire des allemands. La chanson parle d’un partisan, qui demande à sa bien-aimée de fleurir sa tombe « Et si je meurs en partisan/ il faudra que tu m’enterres…A l’ombre d’une belle fleur…C’est la fleur du partisan/ Mort pour la liberté ». Cette chanson fut alors reprise par bon nombre de résistants italiens pendant la guerre.

Après la guerre, ce chant gagna en popularité, dépassa les frontières et devient un symbole de la lutte contre l’oppression. Il est chanté à de nombreuses occasions, notamment lors du Festival mondial de la jeunesse démocratique de Prague en 1948, à la suite de la révolution de Cuba en 1962 ou bien durant l’épisode de mai 68 en France. Si cette chanson a su gagner en notoriété, c’est essentiellement pour les valeurs qu’elle porte mais surtout car elle est beaucoup moins marquée politiquement que ne peuvent l’être d’autres chants de partisans. Un homme qui meurt pour la liberté, c’est un récit auquel tout le monde peut s’identifier. Aujourd’hui reprise dans de nombreuses langues, la chanson s’est diffusée et popularisée. Le succès de Casa de Papel a contribué à cette diffusion, au point que de nombreuses personnes associent désormais la chanson uniquement à cette série.  Personnellement, j'ai trouvé le moment où le professeur et Berlin prennent un verre la veille du braquage très marquante. Cet instant est vibrant car à mes yeux, ils ne chantent pas « Bella Ciao », mais ils la vivent et ils la ressentent. Un moment qui rappelle la profondeur de ce chant, sa mélodie entrainante et l’universalité de ses valeurs.

@ifc Urbino

Brigata Maiella

La casa de papel

@telerama